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Nikhil Vellodi* et Joshua Weiss

Cet article a été initialement publié dans l’édition de janvier 2021 des 5 articles…en 5 minutes

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Les politiques publiques en matière de vaccination sont d’une importance fondamentale dans l’éradication de virus aux proportions pandémiques. Au vu de l’offre limitée des vaccins et de la nécessité urgente de leur déploiement, il est vital d’établir, avec circonspection, des ordres de priorité de vaccination. Les principales méthodes de hiérarchisation des priorités s’articulent autour de deux variables centrales : la vulnérabilité face au risque et le risque de transmission. Toutefois, jusqu’à présent, lors de l’élaboration des politiques publiques en matière de vaccination, il n’a été donné qu’une place marginale au rôle central que jouent les comportements, en dépit des études scientifiques de plus en plus nombreuses soulignant leur importance.

Dans cet article, Nikhil Vellodi et Joshua Weiss proposent un modèle théorique simple et transparent qui s’articule autour de trois dimensions : les individus ne présentent ni le même taux de contacts sociaux ni la même vulnérabilité aux symptômes ; les individus créent des externalités négatives au fil de leurs contacts ; les individus prennent des mesures préventives volontaires, en s’isolant, par exemple. Ce modèle, qui prend en compte les comportements individuels, permet de caractériser la distribution optimale des vaccins. Les résultats font apparaître trois aspects particulièrement marquants. Premièrement, il existe une « prime à l’exposition » : les personnes qui ont des contacts sociaux plus fréquents doivent présenter un risque effectif plus faible pour être vaccinées. En effet, à cause de leurs interactions sociales plus fréquentes, ces individus imposent une plus grande externalité négative sur leurs prochains ce qui accroît les gains retirés de leur vaccination. Deuxièmement, les résultats sont non-monotones : les personnes qui présentent une vulnérabilité moyenne sont plus nombreux à se faire vacciner que les populations les plus et les moins vulnérables. Par voie de conséquence, il semble raisonnable de croire que ces personnes tendent à ne pas s’isoler, malgré une vulnérabilité tout de même non-négligeable face au virus. Troisièmement, les politiques sanitaires n’évoluent pas au gré de la vulnérabilité des personnes qui s’isolent de façon volontaire. Cette propriété révèle deux rôles distincts des taux de contact. Pour les personnes qui s’isolent volontairement, les taux de contact reflètent les coûts liés à l’isolement auto-imposé. En effet, les personnes dont les contacts sont plus fréquents doivent subir des coûts plus importants afin que leurs interactions puissent être découragées. Pour les personnes qui ont des contacts sociaux, le taux de contact prend en compte les coûts en termes de risques personnels et de la transmission du virus à d’autres personnes.

Cet article a pour but de présenter un cadre simple fournissant des clés de compréhension théorique qui permettent de traiter ce problème sensible et politiquement clivant. Cependant, N. Vellodi et J. Weiss complètent leur approche via des modélisations chiffrées, non seulement en vue d’explorer plus avant les composantes clés de la politique publique optimale, mais aussi de la comparer aux méthodes heuristiques habituelles. Ils pensent ici aux politiques qui visent à vacciner uniquement les plus vulnérables, les politiques ciblant en priorité les personnes aux interactions les plus nombreuses ou les politiques de vaccination qui prennent pour référence le risque effectif. Plusieurs enseignements pertinents pour l’action publique en ressortent. Les politiques sanitaires fondées exclusivement sur la vulnérabilité ont de moins bons résultats que les autres méthodes, en particulier dans un contexte d’offre limitée. L’affectation des vaccins devrait se faire sur de larges territoires, plutôt que d’être concentrée géographiquement. En outre, les régions qui n’ont pas instauré de politiques de confinements, ou qui ont eu du mal à le faire respecter, devraient être prioritaires. Finalement, plus la vulnérabilité et l’exposition présentent une corrélation négative (une donnée empirique pertinente), et plus les pertes de bien-être dues aux politiques de type heuristique deviennent importantes par rapport aux politiques optimales.

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Références

Titre original de l’article : Optimal Vaccine Allocation : Incentives and Spillovers

Publié dans : CEPR – Covid Economics, Issue 65

Disponible via : https://cepr.org/content/covid-economics-vetted-and-real-time-papers-0


* Chercheur PSE

Crédits visuel : Shutterstock – kovop58