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Stefano Bosi, Carmen Camacho* et David Desmarchelier

Cet article a été initialement publié dans l’édition de novembre 2020 des 5 articles…en 5 minutes.

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En présentant le concept de développement humain comme un phénomène hétérogène, englobant l’éducation et l’espérance de vie, Mahbub ul Haq (1) a ouvert la voie à des territoires encore inexplorés de la science économique. L’introduction par cet auteur en 1995 de l’Indice de Développement Humain (IDH) a transporté la recherche vers un nouveau paradigme et dans la direction d’une théorie moderne du développement humain. Toutefois, si ses travaux ont inspiré des économistes très en vue comme Amartya Sen, la plupart des théoriciens de la croissance s’appuient encore et toujours sur l’utilité de la consommation.

Dans cet article, Stefano Bosi, Carmen Camacho et David Desmarchelier, se fondant sur l’idée selon laquelle la qualité de vie est fonction du niveau d’instruction et de l’état de santé, avancent que le capital humain est constitué de deux éléments : l’éducation et la santé. Si la notion phare de capital humain a été proposée par Adam Smith en 1776 (2) et par Arthur Cecil Pigou en 1928 (3), la paternité de la théorie moderne du capital humain revient à Schultz (4) et Becker (15). Uzawa (6) a été le premier à faire du capital humain un moteur de croissance dans ses modèles théoriques. L’émergence d’une nouvelle littérature esquissant la théorie de la croissance endogène a poussé de nombreux économistes à s’intéresser au rôle du capital humain. Lucas (7), prolongeant le chemin tracé par Rosen (8), a montré que l’accumulation de capital humain peut déclencher un mécanisme de croissance perpétuelle. Après lui, le corpus économique s’est rapidement enrichi au fil des examens à la loupe de chaque facteur sous-jacent à la formation du capital humain : éducation, transmission, santé, culture, etc.

Cependant, les autres rôles du capital humain dans l’économie font l’objet de moins de recherches. Même si les sociologues constatent que l’éducation a une incidence sur le bonheur, la recherche économique a largement délaissé l’analyse de l’influence du capital humain sur le bien-être. Ross et Wu (9), entres autres chercheurs en sociologie, ont montré que les personnes instruites sont plus épanouies sur le plan professionnel et disent être mieux installées aux commandes de leur vie. Dans la même veine, Finkelstein et ses co auteurs (10) ont conclu à la complémentarité de la demande de santé et de consommation : si la prévalence des maladies chroniques augmente de 1 %, la satisfaction qu’un ménage tire de sa consommation chute de 10 à 25%. Ces éléments probants suggèrent à l’économiste avisé que le capital humain renforce la satisfaction des ménages et, en particulier, l’attitude de ces derniers vis-à-vis de la consommation.

Les auteurs intègre l’IDH à la fonction d’utilité, en définissant un nouveau bien composite, qui généralise le bien de consommation. Ce nouveau bien, rassemblant le bien de consommation habituel et le capital humain, illustre le fait que le capital humain est essentiel à l’appréciation de la consommation et permet aux auteurs d’examiner les effets transversaux du capital humain sur la satisfaction apportée par la consommation. En recourant à la fonction de Cobb-Douglas et aux préférences logarithmiques, les auteurs sont en mesure de tracer les trajectoires explicites du capital, de la consommation et de l’IDH, non seulement parce qu’ils parviennent à la solution analytique du système d’équations différentielles, mais aussi grâce au calcul du niveau initial de l’offre de travail à l’aide d’une maximisation en deux temps, une première dans la littérature économique de la croissance. Les auteurs montrent que le niveau optimal initial de l’offre de travail s’inscrit sur la trajectoire de croissance équilibrée (ou Balanced Growth Path, BGP, en anglais), vérifiant ainsi que cette trajectoire est optimale dès son point de départ. Cela implique que pour maximiser son bonheur, un ménage devrait faire le choix d’accroitre à la fois sa consommation et son capital humain, à taux égal. Les auteurs relèvent que l’IDH a une propriété transversale : plus un ménage est satisfait de sa consommation, et plus il consomme, plus l’IDH sera élevé à court terme. Mais chaque médaille a son revers : puisque l’on privilégie la consommation par rapport à l’investissement pour l’éducation et la création de capital humain, le capital humain tendra à chuter sur le long terme, faisant par conséquent baisser l’IDH. Finalement, les auteurs démontrent également que plus un ménage tire satisfaction de sa consommation, moins la croissance économique est importante.

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(1) Ul Haq Mahbub (1995). Reflections on Human Development. Oxford University Press.

(2) Smith A. (1776). An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations. Strahan and Cadell, Londres.

(3) Pigou A.C. (1928). A Study in Public Finance. Macmillan, London.

(4) Schultz T.W. (1961). Investment in human capital. American Economic Review, 51, 1-17.

(5) Becker G.S. (1964). Human Capital : A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education. University of Chicago Press, Chicago.

(6) Uzawa H. (1965). Optimum technical change in an aggregative model of economic growth. International Economic Review, 6, 18-31.

(7) Lucas R.E. (1988). On the mechanics of economic development. Journal of Monetary Economics, 22, 3-42.

(8) Rosen S. (1976). A theory of life earnings. Journal of Political Economy, 84, 545-567.

(9) Ross C.E. and C.-L. Wu. (1995). The links between education and health. American Sociological Review, 60, 719-745.

(10) Finkelstein A., E.F.P. Luttmer and M. Notowidigdo (2013). What good is wealth without health ? The effect of health on the marginal utility of consumption, Journal of the European Economic Association, 11, 221-258.

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Références

Titre original de l’article : Human capital and welfare

Publié dans : PSE Working Paper n°2020-04

Disponible via : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02482543v2


* Chercheur PSE

Crédits visuel : Shutterstock – sirtravelalot