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François Durand, Antonin Macé* et Matías Núñez

Cet article a été initialement publié dans l’édition de mai 2021 des 5 articles…en 5 minutes

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Comment organiser les élections pour obtenir un vainqueur qui représente fidèlement les préférences des électeurs ? Si la règle de majorité apparaît comme la « bonne solution » pour trancher entre deux candidats, le choix d’une règle de vote devient plus épineux pour départager trois candidats ou plus.

Dans cet article, François Durand, Antonin Macé et Matías Núñez comparent principalement deux règles : la pluralité, où chaque électeur ne peut voter que pour un candidat, et le vote par approbation, où il peut voter pour autant de candidats qu’il le souhaite (1). La règle de pluralité est largement répandue, elle est utilisée par exemple aux législatives au Royaume-Uni (en un tour) et en France (en cas de triangulaire au second tour). Le vote par approbation, inventé il y a un demi-siècle, commence à être utilisé localement aux États-Unis. La règle de pluralité crée des incitations au vote utile : les électeurs ont intérêt à voter pour un candidat considéré comme « sérieux » pour peser dans l’élection, quitte à abandonner leur candidat « de cœur ». Il en résulte des prophéties auto-réalisatrices : si deux candidats donnés sont considérés comme sérieux, alors chaque électeur possède un intérêt stratégique à voter pour son préféré parmi les deux, et la croyance initiale se trouve validée. Ainsi, sous la pluralité, le candidat élu ne dépend pas simplement des préférences de l’électorat, mais aussi, souvent, des croyances des électeurs sur les candidats sérieux. Le vote par approbation crée des incitations différentes : les électeurs ont toujours intérêt à voter pour leur candidat de cœur, et ils votent aussi pour un autre candidat si leur candidat de cœur n’est pas considéré comme sérieux ou si cet autre candidat leur plaît suffisamment. Avec ces incitations, il est théoriquement possible d’élire le « vainqueur de Condorcet », c’est à dire le candidat qui représente au mieux les électeurs car il battrait n’importe quel autre en cas de duel. Pour savoir si cette possibilité théorique se réalise en pratique, les auteurs simulent numériquement la dynamique d’une campagne électorale : les électeurs réagissent aux sondages successifs, qui enregistrent ces évolutions. Les résultats de ces simulations sont éloquents : sous le vote par approbation, c’est toujours le vainqueur de Condorcet qui finit par être élu ; alors qu’avec la pluralité, le candidat élu dépend fortement des sondages initiaux. En d’autres termes, le vote par approbation traduit mieux les préférences des électeurs que la pluralité. De plus, la meilleure performance du vote par approbation est très robuste : elle reste valide pour d’autres critères normatifs, et elle est également préservée si seulement certains électeurs sont stratégiques tandis que les autres votent sincèrement pour leur candidat de cœur. Ces résultats viennent compléter les nombreuses expériences ayant mis en avant l’intérêt et la simplicité d’utilisation du vote par approbation (2).

Enfin, à titre de curiosité, les auteurs étudient une troisième règle : que se passe-t-il si les électeurs doivent voter contre un candidat plutôt qu’en faveur ? Cette règle, dite d’anti-pluralité, apparaît très instable : si deux candidats sont considérés comme sérieux, chacun a intérêt à voter contre le candidat qu’il aime le moins parmi les deux, et la croyance se trouve infirmée. Cette instabilité fait que chaque candidat, même le plus mauvais, a une chance non-négligeable d’être élu. Il y a donc de bonnes raisons de ne pas utiliser ce mode de scrutin en pratique.

(1) On dit alors que ces candidats sont « approuvés » par l’électeur, et c’est le candidat qui reçoit le plus d’approbations qui est élu.

(2) Jean-François Laslier (2019). Voter autrement. Éditions rue d’Ulm.

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Références

Titre original de l’article : Voter coordination in elections : a case for approval voting

Publié dans : PSE working paper n°2021-15

Disponible via : https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-03162184

Crédit visuel : Bibit Unggul – Shutterstock

* Membre PSE