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Erik Madsen et Nikhil Vellodi*

Cet article a été initialement publié dans l’édition de septembre 2021 des 5 articles…en 5 minutes.

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Les plateformes de commerce électronique s’imposent de plus en plus comme un canal majeur de la vente au détail dans le monde. La plupart du temps, ces plateformes jouent un double rôle : celui de la place de marché, la plateforme accueillant des vendeurs tiers moyennant commissions et frais divers ; et celui de vendeur au détail, la plateforme concurrençant alors les vendeurs tiers en lançant des produits sous sa propre marque. Cette « double fonction » évocatrice de positions monopolistiques, soulève des préoccupations légitimes et c’est d’ailleurs à ce titre que de nombreux procès ont été intentés contre les GAFAM. Cependant, les enseignes physiques traditionnelles ont adopté des méthodes analogues depuis longtemps. Législateurs comme universitaires ont défendu l’idée selon laquelle il existerait une différence cruciale entre les enseignes physiques et virtuelles dans leur manière d’utiliser les données. En effet, l’ampleur et la précision des données de marchés qui circulent sur les plateformes auxquelles des acteurs comme Amazon ont un accès privilégié est sans précédent. Il est donc raisonnable de s’inquiéter de la capacité de ces plateformes à calibrer les stratégies de leurs marques propres en fonction de ces données et ainsi d’évincer les vendeurs tiers, ce qui constituerait une barrière à l’entrée et un frein à l’innovation. Se pose par conséquent la question suivante : restreindre l’utilisation des données au sein des plateformes pourrait-il profiter aux vendeurs tiers et favoriser l’innovation ?

Dans cet article, Erik Madsen et Nikhil Vellodi avancent que la réponse à cette question dépend du marché concerné. Les auteurs introduisent une nouvelle taxonomie des distributions de la demande, liée au potentiel de demande positive d’un produit donné, à savoir la probabilité de trouver de multiples débouchés. Ils utilisent ensuite cette taxonomie pour déterminer si l’interdiction du « mimétisme des insiders », c’est-à-dire l’utilisation de données non publiques en vue de lancer des produits concurrentiels en marque propre, serait propice à l’innovation. Ils montrent en particulier en quoi cette interdiction stimule l’innovation dans les marchés de produits dits « expérimentaux », qui se distinguent par un fort m ais peu probable potentiel ; cette interdiction freine en revanche l’innovation dans les marchés dits « incrémentaux », qui regroupent des produits au potentiel marginal mais vraisemblable. Leurs analyses révèlent une caractéristique centrale de la vente au détail sur internet : la prééminence de « vendeurs à longue traîne » (long-tail sellers), c’est à dire de petits vendeurs indépendants qui écoulent principalement sur internet des produits novateurs et expérimentaux. Ce phénomène de longue traîne a été salué comme une avancée majeure à mettre au crédit du développement du commerce électronique. Les résultats obtenus par les auteurs font émerger un argument de force en faveur d’une plus grande réglementation de la vente de produits en ligne. Les vendeurs à longue traîne profiteraient d’une réglementation des données, tandis que les vendeurs de produits de consommation de masse assimilables aux enseignes traditionnelles en pâtiraient.

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Références

Titre original de l’article : Insider Imitation

Publié dans : SSRN, April 2021

Disponible via : https://ssrn.com/abstract=3832712

* Chercheur PSE